La bibliothèque de Cambérène, cet espace dédié au livre, « ressuscitée » par des bénévoles

57

Initier les enfants à la lecture dès le plus jeune âge, c’est tout le sens de la journée portes ouvertes organisée par de jeunes bénévoles soucieux de l’avenir des enfants dans un monde où les jeunes se détournent de la lecture. Ces bénévoles, avec à leur tête Régis Dabo, initiateur du projet, ont décidé de venir au chevet de la bibliothèque du centre socioculturel de Cambérène.

Située dans le quartier de Cambérène, au nord-est de Dakar, haut lieu de la confrérie layène, la bibliothèque de Cambérène peine à retrouver son lustre d’antan. Cet espace de travail, niché dans le centre socioculturel, a du mal à se redresser. À première vue, ce lieu névralgique est pratiquement inexistant. Le centre ne possède qu’un « dépôt de livres, sous forme d’entrepôt ou classe ». Ce n’est pas un lieu de vie, de découverte, d’apprentissage… la bibliothèque est laissée à elle-même. Un « dépôt », comme on dépose de l’argent, comme on laisse quelque chose là pour l’oublier. Un dépôt, souvent si « exigu » et poussiéreux que l’espace manque pour qu’une âme s’y déploie.

Face à cette situation, les jeunes bénévoles ont décidé de prendre les choses en main en rénovant l’espace. Il s’agit, d’après Régis Dabo, initiateur du projet, de rouvrir la bibliothèque d’abord. « Lorsque vous montrez un intérêt pour les livres et la bibliothèque, votre enfant a plus de chances d’être curieux à propos de la lecture. Cette curiosité peut beaucoup influencer sa motivation à apprendre à lire et, plus tard, à lire par lui-même », fait-il savoir.

Aujourd’hui, face à un monde où la lecture n’est plus considérée comme la porte d’accès privilégiée au savoir et n’est plus synonyme de plaisir, ces bénévoles ont une lourde tâche à remplir, surtout que la bibliothèque était en léthargie depuis plusieurs années. Ainsi, pour sauver la bibliothèque, des séances de clubs de lecture, des ateliers de dessin, des cours en intelligence émotionnelle et des sessions de robotique sont initiés gratuitement pendant ces périodes de vacances pour les enfants.

S’agissant de l’internet des objets , ce fait de connecter des objets physiques à l’Internet pour ainsi collecter et échanger des données sera aussi au coeur de cette initiative; Mamadou Diop et son équipe vont proposer aux enfants des ateliers d’initiation à la robotique. « L’objectif principal pour les petits roboticiens consiste à mieux comprendre et à s’approprier les objets du XXIème siècle » affirme M Diop.

« Ce désamour pour les livres vient, à mon avis, du glissement de notre société de ce qu’on appelait les humanités vers le technico-commercial. Auparavant, les filières les plus prestigieuses nécessitaient une pratique assidue de la lecture. Or, la lecture, en tant que loisir tout du moins, n’est plus vraiment obligatoire pour devenir ingénieur. Le français laisse peu à peu la place aux mathématiques… Or, lire un livre est, par nature, une activité plutôt longue et solitaire. À l’ère du numérique, la façon dont les jeunes construisent leur approche culturelle ne va pas naturellement vers la lecture », cet avis du sociologue Sylvie Octobre, auteur du livre « Deux pouces et des neurones », est moins partagé par Mboule Badji. D’après elle, si les jeunes ne lisent plus, c’est parce que les parents ont une part de responsabilité dans ce processus. « Aujourd’hui, on voit un plus grand désintéressement dans la mesure où les jeunes ont beaucoup plus de centres d’intérêt avec les nouvelles technologies de l’information. J’imputerais la cause, la responsabilité aux parents qui ont trouvé une facilité à occuper un peu leurs enfants pour qu’ils puissent être dans d’autres tâches, à leur donner le téléphone, qui est l’outil par excellence pour éloigner l’enfant du livre, parce que le téléphone a tout : l’enfant peut passer d’un réseau à un autre, et surtout sans surveillance. »

D’après celle qui intervient dans presque toute la chaîne de la littérature, que ce soit dans les évaluations ou la promotion des auteurs, dans ce processus, les parents oublient qu’ils sont en train d’inhiber la créativité de l’enfant et son enrichissement en termes de vocabulaire. « Ce n’est pas la même chose que ce qu’ils peuvent cultiver par rapport au livre. Donc, je demanderais surtout aux parents de revoir leur éducation, de ramener ce que les autres parents qui ont réussi à faire aimer la lecture à leurs enfants ont fait. C’est-à-dire, initier les enfants dès le bas âge. »

Mame Libass Diop, directeur du centre, et Maty Ndiaye, gérante de la bibliothèque, ont magnifié le geste et annoncent l’implication de l’ensemble des autorités et des bonnes volontés de la commune dans la sauvegarde de cet espace. « Les moyens ne sont pas là. La bibliothèque n’est pas encore équipée. Nous espérons qu’avec l’implication de tout le monde, cet espace retrouvera son lustre d’antan. »

Madame Ndiaye, quant à elle, déplore les vols de livres. D’après elle, cela vient contredire le principe même de l’existence fondée sur la mise en commun, le partage et la pérennité des documents. « Le vol et la détérioration viennent heurter l’esprit de respect du livre, ancré comme une évidence en soi et rendant ainsi inconcevable un livre morcelé, et l’esprit de conservation qui a fortement imprégné cette bibliothèque. »

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici