Le viol, un sujet encore tabou dans la culture sénégalaise, est au cœur du film Aysha, dont l’avant-première a été organisée dimanche par Monsieur Thione Niang. S’éloignant de la politique et de ses activités agricoles, ce jeune leader s’est lancé dans le cinéma africain, avec pour ambition de promouvoir la culture africaine et ses réalités cachées.
La projection en avant-première a offert l’occasion de découvrir l’histoire bouleversante d’Aysha, une jeune fille de 14 ans, née dans une famille modeste, avec un père cultivateur et une mère ménagère. Aysha rêve de devenir avocate, mais pour atteindre son objectif, elle doit surmonter de nombreux obstacles. Elle s’acquitte de tâches domestiques avant d’aller à l’école et parcourt chaque jour 4 kilomètres à pied pour y arriver. Malgré les interdictions de sa mère, Aysha décide un jour de faire de l’autostop, conseillé par ses camarades pour éviter d’arriver en retard à l’école. Malheureusement, cette décision va bouleverser sa vie à jamais, lorsqu’un homme qui lui propose de la déposer abuse d’elle.
À travers ce film, le réalisateur et producteur Thione Niang souhaite briser le silence autour de cette thématique encore taboue dans de nombreuses communautés. Aysha est une œuvre poignante qui aborde des problématiques contemporaines et met en lumière les réalités sociales, avec un prisme artistique unique. « C’est un sujet tabou, qu’on ne discute pas dans nos communautés. Il y a des milliers de jeunes filles sénégalaises, et même africaines, qui ont vu leur avenir brisé par des événements similaires, » explique Thione Niang. « J’ai voulu choquer pour interpeller, pour susciter une prise de conscience et trouver des solutions. Les femmes sont au cœur de l’économie et de l’avenir de notre pays. Ce sont nos filles, nos sœurs, nos mères, nos épouses. Nous devons les protéger. »
Le producteur, originaire de Kaolack, souhaite également démontrer la qualité et le potentiel du cinéma africain, particulièrement sénégalais. Son objectif est de susciter l’intérêt des Américains pour ce cinéma authentique, en réaction à des décennies de cinéma occidental ayant éclipsé les cultures locales. « Avec la nouvelle génération et l’accès aux écrans, le cinéma est devenu un moyen puissant de transmettre des messages. C’est plus impactant que la politique, car le cinéma n’a pas de frontières. »
Thione Niang insiste sur l’importance de raconter nos propres histoires. « Depuis longtemps, d’autres parlaient pour nous. Aujourd’hui, l’Afrique parle pour elle-même, pour le monde entier, afin que chacun puisse voir notre continent à travers nos yeux. Mon histoire, personne ne la racontera mieux que moi. Et c’est pourquoi je parle, pas seulement pour moi, mais pour nous tous. »
Le film Aysha ne se limite pas à aborder le viol. Il explore aussi le conflit générationnel au sein des familles, notamment le manque de soutien parental pour les études des jeunes filles. Pour les parents d’Aysha, envoyer leur fille à l’école se limite à lui apprendre à lire et à écrire. Sa mère l’oblige à accomplir toutes les tâches ménagères avant de se rendre à l’école, ce qui la pousse à arriver en retard et à s’endormir en classe. « Ce n’est pas seulement le viol qui choque. Parfois, le premier obstacle vient de la maison, quand on vous dit que vous ne pouvez pas rêver grand. J’espère que ce film aidera à trouver des solutions à ces problématiques, » souligne le réalisateur.
En partageant les défis et les valeurs du Sénégal, Thione Niang souhaite influencer positivement le monde à travers notre propre culture, s’inspirant de son expérience personnelle aux États-Unis. « Je vais utiliser l’influence du cinéma pour montrer le meilleur de notre pays et de notre culture. L’objectif est de transformer cette plateforme en un moyen d’exprimer notre vision et nos histoires. »
La cérémonie a été marquée par la présence d’équipes artistiques et techniques, ainsi que de personnalités du monde du cinéma, de la culture et des médias. Thione Niang a également annoncé un futur projet axé sur l’immigration clandestine, abordant le périlleux trajet des migrants sur la route du Nicaragua.