L’inculpation de Moustapha Diop, ancien ministre et maire de Louga, marque une étape clé dans la lutte contre la corruption au sommet de l’État. Mais elle met aussi en lumière la lenteur judiciaire, le poids des privilèges politiques et les fragilités des institutions sénégalaises.
L’ex-ministre doit répondre dans le dossier du détournement présumé de 743 millions FCFA à l’Aprosi (Agence d’aménagement et de promotion des sites industriels). Une affaire qui révèle une tension entre deux principes : l’immunité ministérielle, relevant de la Haute Cour de Justice, et la nécessité de poursuivre la corruption, même lorsqu’elle implique des figures politiques de haut niveau.
La victoire du parquet financier, qui a obtenu son inculpation après un appel, traduit une volonté de rompre avec les privilèges judiciaires des responsables publics. Cependant, cette procédure inhabituelle souligne aussi les résistances institutionnelles et les zones grises de la loi, qui limitent encore l’indépendance de la justice face au pouvoir politique.
Neuf mois après l’éclatement de l’affaire, l’inculpation intervient seulement maintenant. Un délai qui interroge. Certains y voient le signe de tractations politiques en coulisses, d’autres la complexité de poursuivre un ministre influent, ou encore un changement du rapport de force au sein du pouvoir.
Moustapha Diop est aujourd’hui visé par deux enquêtes distinctes : celle des fonds Force Covid-19, pour laquelle il est déjà détenu, et celle de l’Aprosi, estimée à 743 millions FCFA. Une double affaire qui pourrait révéler soit un système de corruption bien ancré, soit une offensive judiciaire coordonnée contre les abus de pouvoir.
Dans le dossier Aprosi, Tabaski Ngom, inspectrice du Trésor, se présente comme une simple exécutante manipulée par son ministre. Une stratégie qui vise à déplacer la responsabilité vers le sommet et à accentuer la pression sur Moustapha Diop.
De nombreuses questions restent en suspens : pourquoi un délai aussi long ? Où est passé l’argent ? D’autres complices seront-ils inquiétés ?
Au-delà du cas individuel, l’affaire met en cause la solidité des institutions et l’efficacité de la gouvernance publique.
Le véritable enjeu, désormais, sera de savoir si la justice osera aller jusqu’au bout, malgré le poids politique de l’accusé.



