Le ministre Secrétaire Général du Gouvernement, Ahmadou Al Aminou Lo, a suscité de vives inquiétudes et un malaise profond en abordant, dimanche, les réformes économiques destinées à rétablir la stabilité budgétaire du Sénégal. Intervenant dans l’émission « Point de Vue » sur la RTS, il a défendu des mesures visant à réduire les dépenses publiques afin de contenir le déficit budgétaire et limiter un endettement qui atteint aujourd’hui 99,65 % du PIB.
Parmi les décisions annoncées, la baisse des salaires des hauts fonctionnaires et la suppression des subventions sur l’électricité et les carburants occupent une place centrale. Présentées comme indispensables, ces mesures suscitent déjà un vif mécontentement au sein de la fonction publique, des syndicats et de la population, déjà très éprouvée par une conjoncture économique difficile.
Des mesures économiques drastiques
Selon Al Aminou Lo, la réduction des salaires vise à restaurer l’équilibre des finances publiques et à mettre fin aux privilèges injustifiés dont bénéficient certaines catégories de fonctionnaires. « L’objectif est de réduire le poids des rémunérations élevées dans le budget de l’État », a-t-il déclaré, soulignant que cette rationalisation permettrait de financer d’autres priorités, notamment les infrastructures et les services sociaux.
Toutefois, il a précisé que seules les rémunérations les plus élevées seraient concernées, affirmant que les petits salaires, notamment ceux des fonctionnaires de base, ne subiraient aucun ajustement négatif. Il a ainsi plaidé pour un « plan social juste », tout en appelant les syndicats et les membres du gouvernement à adopter une posture plus responsable dans le contexte actuel.
Un plan global de rationalisation des finances publiques
Le ministre a inscrit ces mesures dans une stratégie plus large de maîtrise des finances publiques. Parmi les réformes envisagées, la suppression d’agences publiques jugées non essentielles pour réduire les dépenses structurelles ; l’encadrement des revendications salariales afin d’éviter des hausses incontrôlées des salaires dans la fonction publique ; la limitation des exonérations fiscales, qui représentent près de 1 000 milliards de francs CFA, afin d’augmenter les recettes de l’État ; le ciblage des subventions sur l’énergie (électricité, carburant, eau), qui ont coûté 2 000 milliards de francs CFA sur trois ans, sans bénéficier prioritairement aux populations les plus vulnérables.
D’après lui, la situation économique du pays impose ces ajustements. Il a ainsi annoncé un « rebasing salarial », exhortant les organisations syndicales à collaborer avec le gouvernement et à abandonner toute posture « corporatiste » qui pourrait compromettre la stabilité économique du pays.
« Si on écoute tout le monde dans ses revendications, c’est un naufrage collectif qui nous attend », a-t-il averti. Toutefois, il a tenté de rassurer en annonçant que le Premier ministre a mis en place d’un Comité de dialogue social, et que ce dernier entamera prochainement des discussions avec les syndicats après une rencontre avec les députés.
Vers une mobilisation des ressources internes
Le Secrétaire général du gouvernement a par ailleurs exhorté les Sénégalais à prendre en charge leur propre développement à travers des initiatives telles que les « patriotesbonds » et les « civismebonds », des mécanismes visant à mobiliser des ressources internes pour financer des projets de développement national.
« Il faut qu’on crée maintenant de la croissance pour nous-mêmes, qu’on revienne à produire ce que nous consommons et qu’on implique davantage les Sénégalais dans le financement de leur développement », a-t-il plaidé.
Ancien directeur national de la BCEAO sous Macky Sall, il a déploré le fait que le Sénégal ait longtemps favorisé la croissance économique d’autres nations au détriment de son propre développement. Il a insisté sur l’importance de la « Vision Sénégal 2050 », qui ambitionne de rétablir une souveraineté économique et alimentaire.
Une gestion passée critiquée
Martelant que le Sénégal traverse une crise économique majeure, Al Aminou Lo a qualifié ces décisions de « mal nécessaire ». Il en a profité pour critiquer l’ancienne administration sur la gestion de la dette, révélant avoir personnellement alerté, en tant qu’ex-responsable de la BCEAO, sur les dangers de cette politique budgétaire.
« Les signaux ont été lancés à plusieurs reprises, avec même des situations où le Trésor public devait rembourser des dettes dont il n’était pas au courant », a-t-il dénoncé.
Face aux inquiétudes soulevées par ces réformes, le gouvernement devra désormais convaincre et rassurer une population déjà confrontée à une situation économique délicate.