Trois jours après l’élection présidentielle de 2024, alors que le Sénégal entrait dans une phase de transition politique, une transaction financière d’une ampleur exceptionnelle a été discrètement exécutée. Selon le journal Libération, la Banque de Dakar (BDK) a reçu six Certificats nominatifs d’obligations (CNO) pour un montant total de 117,16 milliards de FCFA, dans des conditions qui suscitent de vives interrogations.
D’après notre confrère, ces titres de créance ont été émis par l’État sénégalais sous le prétexte du « financement de dépenses prioritaires ». Toutefois, leur émission, survenue le 27 mars 2024, interroge sur sa légalité et sa transparence.
En temps normal, les CNO servent principalement à convertir ou reconnaître une dette au profit d’entités morales. Or, dans ce cas précis, l’opération semble avoir été réalisée en dehors des circuits budgétaires traditionnels, ce qui pourrait indiquer un contournement des règles de gestion des finances publiques.
L’opération s’inscrit dans un mécanisme de titrisation, permettant à l’État de solder des échéances de 2023 et 2024 sur un emprunt global de 121,2 milliards de FCFA, levé par la BDK avec la participation de plusieurs autres banques. Toutefois, cette structure financière impose des coûts supplémentaires à l’État, qui devra finalement rembourser la totalité des 121,2 milliards de FCFA, intérêts inclus.
Le timing de cette opération suscite des interrogations. Comment expliquer qu’elle ait été réalisée en pleine transition politique, juste après l’élection présidentielle ? Selon les sources de Libération, ce montage financier pourrait avoir été conçu pour verrouiller le paiement des créances et imposer une dette considérable aux nouvelles autorités. En d’autres termes, cette manœuvre aurait pour objectif de rendre toute annulation difficile, voire impossible, obligeant ainsi le nouveau gouvernement à honorer des engagements financiers dont il n’était pas responsable.
Face à ces révélations, le nouveau régime devra engager un audit financier approfondi afin d’analyser l’origine des prêts ayant conduit à cette opération, la légitimité des créances concernées et la régularité du processus d’émission des CNO et son respect des normes budgétaires.
Cette affaire met en lumière les risques liés aux décisions financières prises en fin de mandat, souvent sous couvert d’urgences budgétaires, mais pouvant servir d’autres intérêts.
Les nouvelles autorités devront-elles reconnaître cette dette ou lancer des investigations pour en contester la validité ? Une chose est sûre : cette opération, menée dans la plus grande discrétion, soulève de sérieuses interrogations sur la gestion des finances publiques sénégalaises à la veille du changement de pouvoir.