Face aux cyberattaques répétées contre les institutions publiques et privées, l’ingénieur en cybersécurité Cherif Djiba tire la sonnette d’alarme et propose une feuille de route pour garantir la souveraineté numérique du pays.
Les récentes vagues d’attaques informatiques ciblant les infrastructures sénégalaises ont poussé Cherif Djiba, informaticien qualifié et spécialiste en cybersécurité, à sortir du silence. Membre actif de Moncap et militant du Pastef, cet expert ne mâche pas ses mots : ” La souveraineté numérique ne peut exister sans sécurité numérique, ni sans patience. Il ne suffit pas de la proclamer, il faut la construire, la protéger et la rendre durable. “
Selon lui, le Sénégal doit impérativement se doter d’un Service informatique de l’État digne de ce nom, capable de faire face aux menaces grandissantes qui pèsent sur le secteur.
M. Djiba reconnaît les efforts déjà consentis par les autorités. L’Agence de l’Informatique de l’État (ADIE), devenue Sénégal Numérique SA, représente une pierre angulaire dans la gestion des infrastructures, de la cybersécurité et des plateformes administratives digitalisées. Le projet Smart Sénégal, visant une administration dématérialisée accessible via des guichets uniques dans tous les départements, ainsi que la mise en place de datacenters modernes comme celui de Diamniadio, constituent des avancées notables pour l’hébergement des données de l’État.
Toutefois, pour l’expert, ces infrastructures ne suffisent pas. ” Cette structure devrait constituer la colonne vertébrale numérique de l’administration, avec une mission claire et rigoureuse, une autorité renforcée et des règles communes à tous les services publics “, insiste-t-il.
Au-delà des équipements, Cherif Djiba pointe du doigt la dimension humaine, souvent négligée. “Les infrastructures, aussi performantes soient-elles, ne suffiront pas sans des équipes bien préparées. La souveraineté numérique dépend tout autant des femmes et des hommes qui conçoivent, gèrent et sécurisent nos systèmes. “
Le spécialiste attire particulièrement l’attention sur le phishing, qui représente 60 % des cyberattaques recensées. ” Il est inacceptable de constater, dans certaines institutions, l’usage de messageries sans protocole de sécurité ni vigilance minimale. Cette négligence expose inutilement l’administration et les données sensibles du pays “, déplore-t-il.
Pour garantir la cybersécurité et la souveraineté des données de l’État, Cherif Djiba propose un plan d’action structuré autour de cinq axes majeurs :
Un cloud souverain national : l’hébergement des données dans le pays/Continent permet d’assurer un contrôle total et d’assurer un contrôle total sur la gestion des données sensibles. Le recours au SecNumCloud, recommandé pour les administrations d’importance vitale, renforcerait cette démarche.
Des mesures de protection robustes : chiffrement complet des données; le Contrôle des accès users basé sur une architecture informatique adaptée et une authentification à deux facteurs constituent autant de remparts contre les intrusions.
Des audits réguliers : L’identification des vulnérabilités, l’évaluation de la conformité avec les lois nationales et une gestion sécurisée du cycle de vie des données permettraient d’anticiper les menaces.
Une politique rigoureuse de protection : Des protocoles clairs pour le traitement, le stockage et la réponse aux incidents doivent être établis, accompagnés d’une formation continue des agents publics.
Une coordination nationale: La collaboration entre agences de cybercriminalité dans un cadre centralisé et géré par l’état garantira une réponse efficace aux cyberattaques.
” La souveraineté numérique du Sénégal exige une architecture informatique robuste, une équipe nationale coordonnée et pluridisciplinaire, ainsi qu’une administration formée aux bonnes pratiques “, martèle Cherif Djiba.
L’expert conclut en appelant à l’ouverture d’un dialogue national sur ces enjeux stratégiques : “Le moment est venu de poser les fondations d’un Sénégal numérique sécurisé, souverain et durable.” Un message qui résonne comme un ultimatum face à l’urgence de la situation.



