La Cour d’appel de Versailles examine ce mardi une demande d’extradition explosive qui révèle les tensions entre liberté de la presse et justice financière au Sénégal.
Ce 4 novembre 2025, la Chambre d’instruction de la Cour d’appel de Versailles l’équivalent français de la Chambre d’accusation sénégalaise se prononce sur un dossier explosif : l’extradition du journaliste et homme d’affaires Madiambal Diagne, réclamée par Dakar.
L’enjeu est considérable : la justice française doit déterminer si cette demande respecte les conventions internationales, notamment les garanties procédurales fondamentales et les droits de la défense. Une décision qui pourrait créer un précédent majeur dans les relations judiciaires franco-sénégalaises.
Madiambal Diagne n’est pas un suspect ordinaire. Fondateur du puissant groupe de presse Avenir Communication, il a quitté clandestinement le Sénégal via la Gambie avant de se réfugier en France où il coule désormais une retraite surveillée. Un départ précipité qui intervient alors qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
Les accusations portées par la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif) sont vertigineuses : 12 milliards de francs CFA de transferts suspects, liés à un contrat de sous-traitance de près de 21 milliards avec la société Ellipes Project. Des sommes colossales qui soulèvent des questions sur l’origine et la destination réelle de ces fonds.
L’affaire prend une dimension dramatique : à Dakar, l’épouse de Madiambal Diagne et ses deux enfants majeurs tous coassociés dans la SCI Pharaon ont été arrêtés et incarcérés. Une situation que la défense dénonce comme une pression intolérable, destinée à forcer le retour du journaliste au pays.
Face à ces accusations, une équipe mixte franco-sénégalaise d’avocats a orchestré une stratégie commune depuis Paris. Leur objectif est clair : faire annuler purement et simplement la procédure d’extradition.
Leurs arguments sont multiples et percutants :
1. Irrégularité du mandat d’arrêt : la défense conteste la validité juridique même de la procédure lancée par Dakar.
2. Risque de procès inéquitable : les avocats affirment qu’un retour au Sénégal exposerait leur client à une justice politique, contraire aux standards internationaux des droits humains.
3. Campagne de persécution médiatique : des clés USB contenant des preuves de campagnes de dénigrement massives sur les réseaux sociaux seront présentées à la cour française.
4. Répression contre les journalistes : la défense brandira des vidéos montrant l’arrestation de confrères Babacar Fall et Maïmouna Ndour Faye interpellés après avoir simplement interviewé Madiambal Diagne.
Au-delà des aspects judiciaires, cette affaire soulève une question explosive : celle de l’indépendance de la justice et de la liberté de la presse au Sénégal. L’arrestation de journalistes ayant simplement réalisé des interviews suggère un climat de tension autour de cette affaire qui dépasse le cadre strictement financier.
La décision de la Cour d’appel de Versailles sera donc scrutée de près, tant à Dakar qu’à Paris. Elle dira si les garanties procédurales françaises peuvent protéger un homme d’affaires-journaliste accusé de malversations financières, mais qui se présente comme une victime de persécution politique.
La réponse tombera dans les prochaines semaines, mais elle résonnera bien au-delà des tribunaux.




