Si le suivi des projets publics bénéficie souvent d’une attention particulière, l’évaluation reste l’une des démarches les moins connues, voire sous-estimées, dans le processus de gouvernance démocratique. Pourtant, cette étape clé permet aux décideurs de cerner avec précision les besoins réels des citoyens et d’ajuster les politiques dans les secteurs jugés prioritaires.
Aujourd’hui, face à des attentes croissantes en matière de transparence et de redevabilité, certaines questions essentielles se posent. Il s’agit notamment de savoir comment s’assurer que les programmes et projets publics atteignent leurs objectifs et répondent efficacement aux préoccupations des populations. Les citoyens, qui réclament des réponses claires, veulent comprendre si les ressources allouées sont utilisées de manière optimale et si les actions menées produisent les effets escomptés. Ces interrogations appellent des réponses concrètes.
Dans ce contexte, l’évaluation joue un rôle essentiel. Elle ne se limite pas à constater les résultats, mais vise à mesurer les progrès accomplis, à identifier les failles et à proposer des solutions concrètes.
Cependant, force est de constater que de nombreuses évaluations, lorsqu’elles existent, peinent à s’imposer dans le débat public. Trop souvent, leurs conclusions restent enfouies dans des rapports qui finissent oubliés dans les tiroirs administratifs.
Pourtant, les cadres de référence internationaux tels que le Plan Sénégal Émergent (PSE), les Objectifs de Développement Durable (ODD) ou encore l’Agenda 2063 de l’Union africaine placent l’évaluation au centre des politiques publiques. Ces démarches sont également soutenues par des engagements internationaux, à l’image de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide et de l’Initiative pour l’Afrique.
C’est pour remédier à ce déficit de compréhension et d’application que Seneval, en partenariat avec l’UNICEF, a organisé un atelier de sensibilisation des journalistes. L’objectif était de les outiller pour mieux évaluer les politiques publiques, mesurer les progrès et proposer des ajustements stratégiques. Une initiative qui, si elle est suivie d’actions concrètes, pourrait transformer l’évaluation en un véritable levier pour atteindre les objectifs de développement et répondre aux attentes des citoyens.
Abdoulaye Kane, formateur et membre de Seneval, partage ce constat. Selon lui, bien qu’il existe une volonté politique de l’État, il est essentiel de maîtriser les outils nécessaires pour que l’évaluation des politiques publiques puisse aboutir à des résultats concrets. « Le travail d’évaluation reste méconnu, et il y a une culture à développer pour permettre aux citoyens de comprendre ce qu’il recouvre. Il est aussi important d’éviter toute confusion sur les termes utilisés. Aujourd’hui, l’Assemblée nationale doit, en plus de contrôler l’action gouvernementale, évaluer les politiques publiques, comme le stipulent les réformes constitutionnelles de 2016. La question est de savoir comment nos parlementaires peuvent être outillés pour remplir efficacement cette mission », souligne-t-il.
Pour M. Kane, il est impératif que nos institutions expliquent les résultats des politiques publiques à savoir ce qui a été fait, pourquoi certains objectifs n’ont pas été atteints et quelles dispositions doivent être prises pour éviter les mêmes erreurs. « Les citoyens attendent des réponses claires sur l’utilisation des ressources publiques. Ceux qui n’ont pas utilisé ces ressources de manière optimale doivent en rendre compte », insiste-t-il.
De son côté, Mouhamed Fall, représentant de l’UNICEF, a également insisté sur l’importance de l’évaluation. « Elle est essentielle pour permettre aux parlementaires de mieux surveiller les politiques publiques, dans un sens constructif. Il ne s’agit pas de jouer les gendarmes, mais d’apprendre et d’accompagner les acteurs », a-t-il expliqué.
Interrogé sur le rôle de l’UNICEF dans ce processus, M. Fall a précisé : « Nous sommes une organisation apolitique. Nous travaillons depuis longtemps sur la recevabilité et la transparence pour permettre aux populations de mieux comprendre les actions entreprises, y compris celles de l’UNICEF. »
Dialiké Faye, journaliste et président du Collectif des journalistes économiques du Sénégal (COJES), a salué cette initiative. Selon lui, les journalistes sont désormais mieux outillés pour comprendre et traiter les différentes phases de l’évaluation ainsi que les documents et programmes de l’État. « La promotion de l’évaluation permettra de mieux appréhender la finalité des politiques publiques », a-t-il déclaré, tout en plaidant pour un partenariat avec les membres du COJES afin d’élargir l’impact auprès des journalistes spécialisés.