L’Observatoire syrien des droits de l’homme a affirmé que les forces de sécurité syriennes avaient « exécuté » vendredi 7 mars 69 membres de la minorité alaouite, lors d’une vaste opération dans le nord-ouest de la Syrie contre des combattants fidèles à l’ex-président Bachar el-Assad, les autorités évoquant des « exactions isolées ».
Les autorités du pays ont envoyé vendredi des renforts et lancé d’importantes opérations de ratissage dans cette région, dans un contexte de violences sans précédent qui ont fait au total 147 morts depuis jeudi, selon un nouveau bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Un couvre-feu a été prolongé jusqu’à samedi dans les régions côtières de Lattaquié, bastion de la communauté alaouite dont est issu le président déchu, Bahar el-Assad, et celle de Tartous, plus au sud.
Le rétablissement de la sécurité dans le pays profondément divisé est le défi le plus urgent pour le nouveau pouvoir, issu d’une coalition de groupes rebelles islamistes qui a renversé Bachar el-Assad le 8 décembre après plus de 13 ans de guerre civile.
À Jableh, à une dizaine de kilomètres au sud de Lattaquié, un habitant a raconté que des « batailles urbaines » faisaient rage. « Pendant la nuit, nous pouvions entendre des tirs et des explosions, alors qu’arrivaient des renforts massifs », a déclaré cet homme, prénommé Ali, joint par l’AFP depuis Damas. « Les gens restent enfermés chez eux. Tout le monde a peur. L’arrivée des véhicules militaires et des convois venus de partout n’a rien de rassurant », a-t-il ajouté.
Attaque « planifiée et préméditée »
Le responsable de la sécurité de Lattaquié, Moustafa Kneifati, a fait état d’une attaque « planifiée et préméditée » contre des positions gouvernementales dans cette région. Pour Cédric Labrousse, doctorant à l’EHESS, « ce qui s’est passé ces dernières 24 heures est une véritable surprise. Pas seulement pour les observateurs, mais aussi pour les autorités en place ».
« Bien que ces groupes aient mené des actions sporadiques dans les derniers mois, il n’y a jamais eu de telles opérations d’envergure. Ce qui est marquant, c’est la coordination des combattants », explique-t-il au micro de Théo Renaudon, du service international de RFI.
L’OSDH a affirmé que 69 alaouites avaient été « exécutés » vendredi par les forces de sécurité dans deux localités proches de Lattaquié, al-Shir et al-Mukhtariya, se basant sur des vidéos et des témoignages. L’ONG et des militants ont publié des vidéos montrant des dizaines de corps en vêtements civils empilés dans la cour d’une maison et des exécutions sommaires. L’AFP n’a pas pu vérifier ces vidéos de manière indépendante.
De son côté, une source sécuritaire citée par l’agence officielle syrienne Sana a fait état d’« exactions isolées » commises par des « foules (…) non organisées qui se sont dirigées vers la côte », en représailles à « l’assassinat de plusieurs membres des forces de police et de sécurité par les hommes fidèles à l’ancien régime. » « Nous œuvrons à mettre un terme à ces exactions qui ne représentent pas l’ensemble du peuple syrien », a ajouté la source du ministère de l’Intérieur, sans plus de détails sur les faits.
Groupe « hors-la-loi »
Les forces syriennes comptent dans leurs rangs de nombreux anciens combattants de HTS, le groupe islamiste fer-de-lance de la coalition qui a renversé Assad. L’Arabie saoudite a condamné des violences commises par des « groupes hors-la-loi » contre les forces de sécurité. La Turquie, frontalière de la Syrie, a mis en garde contre toute provocation menaçant la paix « en Syrie et dans la région ».
La diplomatie russe a appelé à la « désescalade ». « Nous appelons tous les dirigeants syriens pouvant avoir une influence (…) sur le terrain à tout faire pour stopper le bain de sang », a indiqué le ministère russe des Affaires étrangères dans un communiqué.
Des images diffusées par Sana ont montré vendredi des membres des nouvelles forces de sécurité à bord de pickups, armes pointées vers le ciel, entrant dans Baniyas et Tartous. D’autres images, tournées par l’AFP à Al-Bab (au nord du pays), montrent des combattants en treillis de l’Armée nationale syrienne, une faction pro-turque, se préparant à gagner Lattaquié en renfort aux nouvelles autorités.
Jeudi, les combats ont fait 78 morts, dont 37 membres des forces de sécurité, 34 combattants armés et sept civils, selon l’OSDH. « De vastes opérations de ratissage ont débuté » dans les provinces de Lattaquié et de Tartous, après l’arrivée de renforts militaires », a indiqué Sana, citant une source des forces de sécurité. Cette source a indiqué que cette opération visait des membres « des milices d’Assad et ceux qui les ont soutenues et aidées ».
(Source : Rfi.fr)