Trump veut «prendre le contrôle de Gaza» : L’ONU rappelle que l’expulsion d’un territoire occupé est «strictement prohibée»

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À l’occasion de la visite du Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à Washington, le président américain a annoncé mardi soir sa volonté d’exiler les habitants du territoire palestinien. Les réactions à cette déclaration fracassante commencent à se multiplier ce mercredi.


Donald Trump a déclaré mardi soir vouloir prendre le «contrôle à long terme»
 de la bande de Gaza, afin de déloger les plus de deux millions de Palestiniens qui vivent dans l’enclave et la transformer en «Côte d’Azur du Moyen-Orient». L’ex-magnat de l’immobilier s’est plu à se rêver ainsi en bâtisseur de «la Côte d’Azur du Moyen-Orient», afin de «créer un développement économique qui fournira un nombre infini d’emplois et de logements pour les habitants de la région».

Pour les Gazaouis, il envisage la construction de «logements de qualité, des villes magnifiques», édifiés dans «quatre, cinq ou six zones» «en Egypte, en Jordanie». Après cette déclaration, Trump a également promis de se rendre dans la bande de Gaza.

Présent aux côtés du président américain à la Maison blanche, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou – premier dirigeant étranger reçu par Trump depuis son investiture – s’est réjoui de cette proposition qui pourrait «changer l’Histoire».

Les réactions aux propos du président américain se multiplient ce mercredi 5 février. L’Arabie saoudite a notamment rappelé sa volonté de création «d’un Etat palestinien indépendant», tandis que le Hamas a dénoncé un plan «raciste» visant à «éradiquer la cause palestinienne». Et la France a appelé à «la solution à deux Etats».

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, l’a rappelé ce mercredi en réponse aux propos de Donald Trump. «Tout transfert forcé ou expulsion de personnes depuis un territoire occupé sont strictement prohibés», peut-on lire dans son communiqué, où il rappelle également que «le droit à l’autodétermination est un principe fondamental du droit international et doit être protégé par tous les États».

Les Palestiniens doivent pouvoir revenir chez eux, selon Starmer

 

Les Palestiniens «doivent pouvoir revenir chez eux», a affirmé ce mercredi le Premier ministre britannique Keir Starmer. «Ils doivent pouvoir reconstruire, et nous devons être avec eux dans cette reconstruction, sur le chemin d’une solution à deux Etats», a-t-il ajouté, alors qu’il était interrogé au Parlement sur le projet de Donald Trump de vider la bande de Gaza de sa population afin d’en faire un territoire géré par les Etats-Unis.

Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva ne comprend rien à ce que Donald Trump raconte. «Ceux qui doivent veiller sur Gaza, ce sont les Palestiniens, qui ont besoin d’une réparation pour tout ce qui a été détruit afin qu’ils puissent reconstruire leurs maisons, leurs hôpitaux, leurs écoles et vivre dans la dignité et le respect», a affirmé le dirigeant de gauche lors d’une interview avec une radio brésilienne ce mercredi. Avant de conclure : la proposition est «quasiment incompréhensible».

Le chef de l’agence de l’ONU pour les réfugiés a qualifié mercredi de «très surprenant» le projet d’occupation de la bande de Gaza et de déplacement de sa population, annoncé par le président américain. «C’est très difficile de s’exprimer sur cette question très délicate», a confié Filippo Grandi lors d’une interview donnée à l’AFP à Bruxelles. «C’est quelque chose de très surprenant, mais il faut voir concrètement ce que ça signifie», a-t-il déclaré.

De son côté, l’Allemagne a déclaré que Gaza «appartient aux Palestiniens». Le gouvernement français s’oppose aussi fermement à l’idée de Donald Trump. Il y a d’abord eu le communiqué politiquement correct du Quai d’Orsay. Puis la déclaration, un peu plus franche, de la porte-parole du gouvernement. Face aux médias, Sophie Primas a dénoncé ce mercredi midi les déclarations de Donald Trump qui sont «dangereuses pour la stabilité et pour le processus de paix».

«La France est opposée pleinement aux déplacements des populations, a-t-elle dit à l’issue du Conseil des ministres. Nous nous en tenons à notre politique qui est : pas de déplacement des populations, la recherche d’un cessez-le-feu temporaire vers un processus de paix et une solution à deux États».

Pour le Hamas, Trump «jette de l’huile sur le feu»

Le Hamas accuse ce mercredi le président américain de «jeter de l’huile sur le feu» avec son idée d’occupation militaire de la bande de Gaza par les Etats-Unis et de transfert forcé des Palestiniens vivant sur le territoire. «Nous (…) condamnons dans les termes les plus forts les déclarations (Donald) Trump en vue d’une occupation américaine de la bande de Gaza et du déplacement de notre peuple», dénonce dans un communiqué du mouvement islamiste palestinien. Ces déclarations «violentes» ne «contribueront pas à la stabilité de la région mais ne font que jeter de l’huile sur le feu».

Dans un communiqué officiel, Mahmoud Abbas, le président palestinien, dit rejeter «fermement» le projet d’occupation de la bande de Gaza par les Etats-Unis. Il s’oppose également au déplacement des «Palestiniens hors de leur patrie. Nous ne permettrons pas que soient bafoués les droits de notre peuple». Mahmoud Abbas est d’ailleurs en déplacement en Jordanie aujourd’hui pour rencontrer le roi Abdallah II. Les deux hommes doivent discuter de la proposition du président américain, y compris de sa suggestion de déplacer les Palestiniens de Gaza vers l’Egypte et la Jordanie.

Badr Abdelatty, ministre égyptien des Affaires étrangères, souligne aujourd’hui «l’importance de renforcer politiquement et économiquement l’Autorité palestinienne» à Gaza. Lors d’une réunion avec Mohamed Mustafa, le Premier ministre Palestinien, Badr Abdelatty a déclaré que l’Egypte était impatiente que l’Autorité palestinienne «assume ses responsabilités dans la bande de Gaza en tant que partie des territoires palestiniens occupés». L’homme politique égyptien appelle également à une reconstruction rapide de la bande de Gaza et demande à ce que cela se fasse sans déplacement de ses habitants, «notamment en raison de leur attachement à leur terre et de leur refus de la quitter».

Le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan juge «inacceptable» ce mercredi matin le projet du président américain de déplacer la population de la bande de Gaza. «Expulser (les Palestiniens) de Gaza est une question que ni nous ni les pays de la région ne peuvent accepter. Il n’est même pas question d’en discuter», a déclaré le ministre lors d’un entretien à l’agence de presse turque Anadolu.

Par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Lin Jian, Pékin affirme ce mercredi avoir «toujours soutenu le fait qu’une gouvernance palestinienne sur les Palestiniens était le principe de base de la gouvernance d’après-guerre de Gaza et nous sommes opposés au transfert forcé des habitants de Gaza».

L’extrême droite israélienne jubile 

Sans surprise, la nouvelle idée absurde et dangereuse de Donald Trump fait des heureux en Israël. Le politicien israélien d’extrême droite et colon ultranationaliste, récemment démissionnaire du gouvernement, Itamar Ben Gvir, a salué sur X la proposition du président américain.

«La seule solution pour Gaza est d’encourager l’émigration de la population de Gaza. Quand je l’ai dit à plusieurs reprises pendant la guerre, les gens se sont moqués de moi. Maintenant, c’est clair : c’est la seule solution au problème de Gaza», dit-il. Et à ses yeux, avec «Donald, cela ressemble au début d’une belle amitié».

Bezalel Smotrich, l’actuel ministre des Finances et figure de l’extrême droite israélienne, a de son côté promis sur Telegram de tout faire pour «enterrer définitivement» l’idée d’un Etat palestinien : «Le plan présenté hier par le président Trump est la véritable réponse au 7 octobre. (…) Nous allons maintenant oeuvrer pour enterrer définitivement l’idée dangereuse d’un Etat palestinien».

Une énième stratégie de détournement de l’attention, selon le sénateur démocrate du Connecticut, Chris Murphy, qui a qualifié la sulfureuse suggestion de Trump de «blague tordue», cette déclaration du président vise surtout à ce que «les médias et les bavards» se concentrent sur le sujet «pendant quelques jours». Dans un post sur X (ex-Twitter), il développe : «Trump aura réussi à distraire tout le monde de la véritable histoire : les milliardaires qui s’emparent du gouvernement pour voler les gens ordinaires». «Une invasion américaine de Gaza entraînerait le massacre de milliers de soldats américains et des décennies de guerre au Moyen-Orient», a-t-il déclaré.

Certains élus américains démocrates critiquent les implications que le plan avancé mardi soir par le président pourrait avoir pour les troupes américaines et les Palestiniens. «Répétez-moi ça ?», a réagi le représentant Eric Swalwell (Californie) sur les réseaux sociaux. «Les États-Unis vont occuper Gaza ? Il ne nous avait pas promis la fin des guerres sans fin ?».

L’idée de Trump a aussi été qualifiée de «nettoyage ethnique» dans des déclarations distinctes du sénateur Chris Van Hollen (Maryland) et de la représentante Rashida Tlaib (Michigan).

Benjamin Nétanyahou voit un possible tournant de «l’Histoire»

 

Contenant difficilement son ravissement, Benjamin Nétanyahou semblait n’en pas revenir non plus – même venant d’un Trump qu’il vante comme «le meilleur ami qu’Israël ait jamais eu à la Maison Blanche». «Parmi mes trois objectifs (avec la destruction du Hamas et la libération de tous les otages, ndlr), le but est de s’assurer que Gaza ne représente plus jamais une menace pour Israël. Le président Trump va beaucoup plus loin. (…) Il voit un avenir différent pour ce morceau de terre qui a été au centre de tant de terrorisme, de tant d’attaques contre nous, de tant d’épreuves et de tribulations. (…) Je pense que c’est quelque chose qui pourrait changer l’Histoire», a-t-il déclaré .

(Source : Liberation.fr)

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